SEANCE 12 : 17 avril 2023
Conférencière : Coralie Lamotte (Université de Lausanne)
Modération : Karine Abadie (Memorial University of Newfoundland)
Résumé
En 2008, l’animateur et bédéaste français Benjamin Renner commence à publier sur son blog Le Cochon, le Canard, le Lapin et le Bébé, une histoire sous forme de bande dessinée. Quelques années plus tard, il reprend les mêmes personnages pour un nouveau récit publié selon les mêmes modalités du blog BD, Le Canard, le Cochon, le Lapin et le Père Noël. Ces deux bandes dessinées sont ensuite éditées en version papier comme albums, puis adaptées au cinéma par Benjamin Renner lui-même, sous de nouveaux titres. Un Bébé à livrer et Il faut sauver Noël sont en effet deux des trois segments qui composent le long-métrage d’animation Le Grand Méchant Renard et autres contes (2017). Le troisième segment de ce long-métrage, Le Grand Méchant Renard est quant à lui adapté d’un autre album de bande dessinée de Benjamin Renner, dont la publication avait été accompagnée par deux autres créations reprenant l’univers de l’album et ses personnages : une courte animation mise en ligne sur YouTube, et un turbo média (bande dessinée interactive où le lecteur fait progresser l’histoire selon des options parmi lesquelles il peut choisir) reprenant les prémices du récit. Le Grand Méchant Renard peut ainsi être considéré comme une œuvre d’emblée transmédiale dont l’adaptation a intégré le cinéma à un réseau médiatique déjà complexe et dont le dessin constitue le dénominateur commun.
Le parcours de Benjamin Renner chemine donc parmi différentes formes d’une pratique – le dessin, qu’il soit fixe ou animé – et navigue entre les médias selon plusieurs modalités, notamment l’adaptation et la remédiation. Son travail touche également à divers supports, puisqu’on observe un va-et-vient entre papier et écran, que ce soit au niveau de la création ou de la diffusion.
À partir de ce cas d’étude et en analysant à la fois les œuvres, leurs supports de création et de diffusion, et leurs processus de fabrication, je propose de réfléchir à l’articulation entre technique, support et média : en quoi, et jusqu’à quel point, les spécificités d’un média (im)posent-elles un cadre de création qui se manifeste par certaines pratiques techniques, certains gestes, outils et supports ? Quelles sont les implications techniques du transfert d’une œuvre vers un nouveau média ? Comment envisager la question du support par rapport à celle du média, notamment dans un environnement numérique ?
Cette présentation vise ainsi à solliciter l’apport des théories intermédiales dans l’étude des techniques, plus particulièrement dans le cadre du cinéma d’animation.
Coralie Lamotte est doctorante en histoire et esthétique du cinéma à l’Université de Lausanne sous la direction du professeur Benoît Turquety. Elle est titulaire d’un Master en études cinématographiques de l’Université Paris VII-Diderot. Elle est actuellement accueillie par le laboratoire Cinémédias à l’Université de Montréal pour un séjour de recherche. Sa thèse porte sur l’histoire contemporaine des techniques dites « traditionnelles » du cinéma d’animation, en particulier la façon dont ces techniques,
initialement développées avant – et donc sans – outils et supports numériques, continuent à exister et à se développer dans un environnement numérique.
Karine Abadie est professeure adjointe au Département de langues, littératures et cultures modernes à Memorial University of Newfoundland, Karine Abadie est docteure en littérature française, spécialiste de l’entre-deux-guerres et du discours critique sur le cinéma des années 1920 et 1930. Ses recherches portent sur les rapports entre écrivains et cinéma, tant du point de vue des pratiques que de celui des discours. Elle s’intéresse aussi aux questions relatives à la cinéphilie et à la cinéphobie, à la théorie du cinéma dans la première moitié du XXe siècle, en France, ainsi qu’à l’influence des images dans le roman et la bande dessinée contemporains. Ses travaux puisent leur cadre théorique dans la perspective intermédiale, l’histoire culturelle et l’analyse des discours.
Son présent projet de recherche, « Lucien Wahl ou l’avenir de la critique cinématographique en France » (CRSH 2020-2022) consiste en une étude de la production textuelle du critique français, entre 1926 et 1934 et vise à révéler comment, tant sur le plan des formes que des contenus, un discours critique exprimer des préoccupations quant à l’avenir du cinéma et à ses perfectionnements techniques. Dans cette perspective, elle collabore au partenariat TECHNÈS en développant un parcours sur l’imaginaire des techniques cinématographiques entre 1925-1932.
Les midis de l’intermédialité est un rendez-vous proposé par le CRIalt et destiné aux jeunes chercheuses et chercheurs (de la maîtrise au postdoctorat) désireux de faire connaître leurs travaux en lien avec l’intermédialité auprès de leurs pairs. Chaque séance se compose d’une présentation d’une vingtaine de minutes, suivie d’une discussion encadrée par une modératrice ou un modérateur invité. Il est mis en place sous la responsabilité de Rémy Besson et coordonné par Jenny Brasebin.